Origènes
Le peuple des "origènes" se niche partout
: dans les pierres du chemin, les noeuds des troncs darbres,
les buissons de ronces, les lichens des rochers
Depuis
des millions dannées ils regardent en silence
les hommes qui ne les voient pas.
Jai
découvert le premier "origène" dans
les carrières antiques de marbre de lîle
de Paros, dans les Cyclades, où les sculpteurs firent
surgir de la pierre le visage de lhomme, à moins
que ce ne soit sur les flancs du volcan Stromboli né
des noces du feu et de la mer parmi les îles Eoliennes,
ou encore dans les ruines de Pompéi, ou dans la nature
exubérante du Brésil
Depuis lors, je les
vois partout : ils crient, ils rient, ils pleurent, ils se
moquent, ils éprouvent des
sentiments comme des humains. "Tout vit, tout est plein
dâmes" : Victor Hugo nétait
pas loin de penser que Dieu se cachait dans les coins et recoins
de la nature. Monstres, fantômes ou dieux, ils sont
arrivés sur terre bien avant nous.
Ils
ont la sagesse et lexpérience des temps les plus
reculés du Cambrien. Ils ont parfois des têtes
de Mathusalem ou des allures de Belphégore. Mais ils
ont conservé la fraîcheur des origines du monde,
ils nous rappellent lidentité de nos gènes
les plus anciens : ce sont des "ori-gènes",
cousins des "aborigènes" dAustralie,
voisins des indigènes de lAmazonie : les gardiens
de létat de grâce de notre terre Eden.
Comme les hommes ils ne sont pas sages, comme les dieux ils
montrent le passage.
Ils
sont devenus mes compagnons de voyage, ils jouent à
me faire rire ou à me faire peur. Ils peuvent paraître
froids comme le marbre, impassibles comme le bois. Mais à
force de les regarder derrière mon objectif, jai
pris goût à les fréquenter. Peut-être
ai-je commencé à les apprivoiser. Jai
même surpris lun dentre eux me jeter un
clin doeil ! Faites comme moi : ouvrez loeil.
Vous les verrez, ils vous regarderont, ils vous ferons rêver,
vous vivrez mieux.
Les origènes me voient, donc je suis.
Toi qui les découvres, qui es-tu ?
Claude-Charles
Mollard
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